Entretien avec Olivier Large
La rencontre d’aujourd’hui nous emmène dans un univers riche, éclectique, mais rempli de beaux projets. L’instrument à l’honneur ? La trompette. Mais pas que. Avec cet artiste, “l’art vivant” prend tout son sens…
“Chacun sa route, chacun son chemin”… moi, je préfère “Chacun son Sud”…
Michel Martelli : Olivier, si tu es aujourd’hui drômois, ta route n’a pas commencé ici….
Olivier Large : Non. Je viens du Rhône. De Chazay-d’Azergues, plus précisément, où j’ai grandi, avant de rejoindre Lyon, pour mes études. Une région lyonnaise dans laquelle je resterai jusqu’en 2005, année qui me verra “me mettre à la campagne”, dans la Drôme, à Pont-de-Barret.
Je ne suis pas issu d’un milieu de musiciens. Pourtant, ma grand-mère paternelle jouait de la mandoline, et mon grand-père maternel de l’accordéon. Mais je ne crois pas qu’ils aient été d’une quelconque influence sur mon parcours. Non, je crois que mon père avait dans l’idée de me faire pratiquer un sport, et de me mettre à la musique. C’est comme ça qu’à l’âge de sept/huit ans, je vais entrer à l’école de musique de Chazay, d’abord pour une première année de solfège. Puis, après cette année, j’ai commencé un peu de cornet, puis très vite la trompette. Pourquoi cet instrument ? J’avoue que je me suis souvent posé la question. Nous n’étions pas des habitués de la fréquentation de concerts. Je n’avais pas de trompettiste fétiche. Je crois plutôt – ce n’est qu’une hypothèse – que c’est parce que j’ai souvent entendu la chanson de Brassens, Les trompettes de la renommée… à force, ça a peut-être dû jouer !
A l’école de Chazay, le prof était un musicien amateur, mais il a su me donner l’envie. Il s’impliquait beaucoup dans ses cours. Ensuite, M. Tournière – qui, lui, était pro – se substituera à lui pour les cours. J’ai progressé ainsi, en intégrant aussi l’orchestre de l’Ecole de musique qui m’a accueilli. Pas la fanfare du village, qui existait aussi. Je me souviens que, le village de Chazay étant jumelé avec la ville allemande de Lössburg, nous étions partis là-bas pour y jouer. J’avais douze ans. Mais c’était une belle expérience, d’autant qu’ensuite, toujours avec l’orchestre, nous avons fait pas mal de concerts.
Pour mes cours, mon professeur avait encore changé. C’était une dame, qui était très fan de Robert Pichereau. Lui avait imaginé une certaine façon de placer sa bouche sur l’embouchure de l’instrument, de façon à bien monter dans les aigus. Et je crois bien que cette prof voulait nous “imposer” l’apprentissage de cette méthode-là. Pas forcément évident.
M.M. : La musique t’avait donc rattrapé… et le sport ?
O. L. : Le sport aussi. je m’étais mis au tir à l’arc, ce qui m’a permis de participer à beaucoup de compétitions. D’ailleurs, lorsque je vais arriver en classe de Seconde, je vais carrément arrêter la musique pour me consacrer à l’arc. Ca durera deux ans. Lorsque je serai en Terminale, je ferai le chemin inverse, cessant le sport pour revenir à la musique.
D’autant que, dans l’école de musique de Chazay, un professeur de guitare, Christian Roche, proposait des ateliers jazz. J’y suis allé, bien sûr, et très vite, nous étions quatre ou cinq à jouer ensemble. Il nous a fait improviser sur des standards, nous avons approché et découvert le blues. Bref, ça a été une très belle expérience ou plutôt une belle ouverture sur un tout nouvel univers. Une bascule, aussi, sur le côté “improvisation”.
En parallèle de ça, je m’étais investi aussi dans le monde de la radio. Pour des émissions qui parlaient plus “hard rock” ou “punk”, par contre. J’ai dû commencer à “Croix-Rousse Energie”, puis j’ai oscillé entre “Radio Pluriel” et “Radio Canuts”. Toujours dans cette mouvance-là, j’organisais aussi des concerts de hard rock, notamment au “Truck” de Bron.
Côté “études classiques”, après avoir suivi les cours Maths Sup, Maths Spé, je suis entré – pour trois ans – à l’Ecole des Travaux Publics de l’Administration Française. Pour y suivre des études d’ingénieur. J’avoue que ça ne m’a pas forcément passionné, c’est pour ça qu’en troisième année, j’ai opté pour une option “urbanisme”, qui me permettait une ouverture vers d’autres cours. Le sujet de mon mémoire était sur “la localisation des cinémas dans la ville, l’influence de la programmation” ce genre de choses.
M.M. : Et la musique ?
O. L. : A ce moment-là, je ne fréquentais que l’atelier jazz que je t’ai cité tout à l’heure. Lorsque j’ai eu terminé mes études, j’ai commencé mon objection de conscience. pendant deux années. Et c’est à peu près à cette période que je vais intégrer mon premier vrai groupe, un groupe de musiques actuelles qui s’appelait “Crazy Georges”, très rock, qui jouait ses compositions. C’était un format guitare – basse – batterie où j’étais seul soufflant à la trompette.
Par la suite, je dirai vers 1993, s’est créé le groupe “Tous des fous”. Dans cet ensemble, nous étions dix à jouer du style Mano Negra, Les Négresses vertes, Les Red Hot Chili Peppers. Deux percussions, une guitare (+ voix), une guitare rythmique et, dans les cuivres, par pur hasard, tu ne trouvais que des “Olivier” : Olivier Barge au trombone, Olivier Peilhon au sax-alto, et moi à la trompette. Ce groupe a beaucoup tourné, et dans toute la France. Comme on faisait pas mal de répétitions “cuivres”, on a invité d’autres musiciens, et il s’en est suivi la création d’une véritable petite fanfare, destinée à jouer dans la rue. Cette fanfare s’est ensuite réduite à six musiciens, et elle s’est alors baptisée “La Grosse Couture”. Née à la Croix-Rousse, nous étions résolument jazz.
Olivier Melard était à la caisse claire, Nabil à la batterie ça marchait bien, nous nous sommes bien structurés comme professionnels.
A cette période, j’étais à “La Maison de l’Ecologie” de Lyon. J’y avais été embauché. En 1995, je me suis fait licencier (économique) pour pouvoir monter mon statut d’intermittent. Je misais beaucoup sur le style de fanfare que nous avions mis sur pied. Nous faisions partie des précurseurs dans ce domaine. Bref, je suis devenu intermittent en 1996, et, grâce à Thierry Amiot, qui me donnait des cours particuliers, j’ai pu entrer au C.N.R. de Lyon, en section jazz. Quant à la fanfare, elle a engrangé de beaux contrats, comme celui avec le Groupe Carrefour, qui l’employait beaucoup.
M.M. : La fanfare avait pris une belle ampleur…
O. L. : Oui. Nous avons pu créer de chouettes spectacles, avec de très beaux costumes. Nous sommes allés nous produire en Russie, dans l’île de La Réunion. Pourtant, si “La Grosse Couture” a vécu jusqu’en 2010, dès 1998 trois membres nous quittaient. Melard, Peilhon et moi avons dû reconstituer la “Compagnie” avec d’autres personnes, et beaucoup ont répondu “présents” à ce moment-là. Comme Jean-Luc Peilhon qui est venu jouer de sa clarinette soprano un temps, ou Dominique, qui était luthier-cuivre à Châlons-sur-Saône, et qui jouait du petit tuba, Lionel Martin au sax-soprano. Je me souviens aussi que la grosse caisse était tenue un moment par un musicien qui venait de l’Île Maurice. Avec cette nouvelle “mouture”, La Grosse Couture a tourné deux années de plus. Et puis, nouveaux changements : Olivier Peilhon est parti, donc Melard et moi avons alors accueilli Eric Delbouys à la caisse claire, Yoann Cuzenard au tuba – Yoann qui joue aujourd’hui dans l’ensemble “Odyssée” de Lyon, Philippe Gilbert au sax-soprano – Philippe qui compose beaucoup pour “Transe Express”, Nicolas Couturier au sax-alto – Nicolas qui jouait avec Pierre Baldy dans “Les Charentaises de luxe”, et Franck Boyron au trombone.
Tu vois, même si j’ai quitté le Rhône en 2005 pour arriver en Drôme, je remontais souvent pour répéter à Lyon. pendant quinze ans, j’ai assuré la coordination de cette Compagnie, et elle nous a pris beaucoup de notre temps. Mais c’est là aussi que je commencerai vraiment à composer.
Avec “La Grosse Couture”, nous avons sorti un mini-CD, puis deux CD.
M.M. : Et tes autres projets ?
O.L. : J’ai tourné, pendant deux ans, dans un groupe rock, qui s’appelait “N & S.K”, mais deux années, ça m’a suffi. Pour diverses raisons, j’en suis parti.
En 2007, j’ai fait un stage de chant au Crest Jazz Vocal. Et puis, cette année-là aussi, j’ai intégré l’ensemble vocal “Ripitiki”, un groupe certes amateur, mais d’un très bon niveau, et dans lequel je suis toujours actif, sous la direction du Chef de Chœur Gédéon Richard, qui joue aussi pour “Délice Dada” et “Transe Express”. Il m’arrive de composer, pour cet ensemble vocal.
En 2010, “La Grosse Couture” nous avait emmenés à Edimbourg, à Shanghaï, à Séoul. Mais c’est l’année dans laquelle je vais arrêter. Peut-être en avais-je assez de faire les trajets.
J’ai rejoint – pendant deux ans – le groupe funk “12 mètres carrés”, un groupe des environs de Crest.
Et j’ai oublié de te dire, aussi, que, depuis 2006, j’avais rejoint le Conservatoire de Valence pour y suivre un cursus de trompette classique. Mais ce n’était pas innocent, et ça m’a fait beaucoup de bien : ce cursus m’a permis de “bien remettre mon jeu en place”, sur des bases solides. Après avoir porté ma trompette dans un nombre incalculable de rues, ça s’imposait. Mon professeur était Henri-Paul Baujard. Dans sa classe, je vais croiser la route de la trompettiste (et pianiste) Magali Boyer. Ensemble, nous avons créé un duo trompette-orgue, et un répertoire que nous allions jouer dans les églises. Avec en plus quelques concerts, avec son petit ensemble classique propre.
J’ai aussi monté un trio – suite à une rencontre “improbable” avec une pianiste parisienne – un trio qui s’est appelé “1-2-3”, tout simplement parce que, sur scène, les morceaux s’enchaînaient en solo, en duo, ou en trio. La partie “chant” étais assurée par une collègue du groupe “Ripitiki”.
M.M. : On en vient maintenant à “ton bébé”…
O.L. : Oui. Et curieusement, il va naître en 2014, la même année que ma fille. Je voulais monter un trio, avec accordéon et violoncelle autour de moi. J’ai d’abord rencontré Richard Posselt – qui joue toujours avec moi et, jusqu’en 2017, c’est Vincent Busson, qui est luthier-contrebassiste à Crest, qui nous a rejoints. Après son départ, en 2017, Vincent a été remplacé par Anthony Gutierrez à la contrebasse. “Chacun son Sud” était bien né et aujourd’hui, je suis heureux de pouvoir te dire qu’il tourne bien. J’y fournis les compositions, et un mini-CD de cinq titres est déjà sorti en 2019. Mais nous ne nous sommes pas arrêtés pour autant puisqu’on vient d’enregistrer un album, au studio S.L.C d’Espeluche.
Depuis mon arrivée dans ce département de la Drôme, je m’y suis énormément investi. Et s’il m’est arrivé – pendant une année – de perdre mon statut d’intermittent, comme je dirigeai la Compagnie, ça m’a permis de retrouver un job de “technicien”, en tant qu’administrateur, notamment pour la Compagnie “Teatri del Vento”, pour Rosie Volt, qui est clown sur la ville de Romans-sur-Isère, ou encore pour la Compagnie “Gazoline” de Valence.
Cette activité me permet, en outre, pour mes propres projets musicaux, de les aborder sous le seul angle du plaisir. Et cela procure un certain confort dès lors que ce ne sont pas de seuls projets “alimentaires”. Je suis arrivé maintenant à un certain équilibre, qui me convient très bien.
J’ai enchaîné les formations, aussi. Pendant une année, j’ai suivi, en Fac à Lyon, des cours d’ethnomusicologie. Des cours très intéressants, qui te permettent de découvrir – et d’analyser – plein d’univers musicaux différents. Ca a été une année passionnante, qui aura certainement influencé mon propre investissement sur ces “musiques du monde”…
J’ai aussi suivi trois ans de cours de jazz vocal, à Jazz Action Valence, avec Yasmina Kachouche.
Et puis deux années de “technique Alexander”, sur Lyon, assurées par Isabel Sampaïo : j’y ai gagné beaucoup sur mes aigus, à la trompette.
Nous avons aussi créé un spectacle, autour de Miles Davis, un spectacle en compagnie d’un comédien suisse, Jean-Pierre Durieux et sous la direction de notre metteur en scène Françoise Aufauvre – qui dirige la Compagnie La Mouette 11055 entre autres. Le spectacle est tiré de la pièce originelle de Henning Mankell – “Miles ou le coucou de Montreux”. Nous avons déjà produit ce spectacle pour Jazz à Chabeuil, pour “Parfum de Jazz” et que nous allons exporter en Suisse.
Mais, avant ça, “Chacun son Sud” retrouvera avec plaisir, l’été prochain, le Festival “Parfum de Jazz”. Nous y présenterons notre dernier album, tout frais, “Dépaysements”…
Propos recueillis le mardi 4 avril 2023
Donc, merci à “Parfum de Jazz” qui, d’une certaine façon, nous aura fait nous rencontrer. Merci aussi pour l’univers que tu nous proposes, entouré de super musiciens, qui fait du bien à écouter…
A bientôt.